jeudi, mars 16, 2006

"L'Europe, projet orwellien ? "

La construction européenne est-elle un pur produit de la volonté, ou un fait dur ?

Réaction énérvée d'un lecteur de liberation sur un article de Regis Turini , daté du 4 aout 2005.Je ne suis evidemment pas d'accord sur le fond mais j'aimerais en débattre avec vous...

...Le raisonnement qui est déployé en trois temps est si caricaturalement contradictoire, requiert une telle acrobatie dialectique de la part du lecteur qu’il est intéressant de le commenter :

Temps 1 : l’unité européenne est une évidence qu’il ne faut pas perdre de vue et elle repose sur la culture

« …l’unité profonde de l’Europe est d’abord culturelle. C’est une certaine façon de vivre et de penser, où que nous vivions en Europe, qui nous est toujours compréhensible. […]En Europe orientale, nous ne sommes pas désorientés comme en Inde ou en Chine. Tallinn en Estonie ou Vilnius en Lituanie, c'est l'Europe. »

Temps 2 : Rien de ce qui a été fait en matière européenne, en dehors du domaine culturel, ne vaut

« Foin de ces discussions infinies sur les institutions politiques, sur l'union économique, sur le modèle social, qui ne cessent de susciter partout en Europe des oppositions de plus en plus fortes ! Si nous ne voulons pas que tout s'écroule, il faut repenser les principes, de toute évidence inadaptés, sur lesquels a reposé jusqu'à présent la construction européenne. La priorité absolue doit désormais être donnée à la culture. »

Temps 3 : finalement l’unité culturelle européenne ne va pas autant de soi, il faut donc d’urgence la renforcer

« Car l'identité d'un individu relève de l'évidence. En revanche, tout tend aujourd'hui à prouver que l'identité européenne ne va pas de soi. Il est urgent que l'Europe s'affirme comme conscience d'elle-même. »

Si l’on interprète correctement ce qui est écrit, il faut admettre que l’unité européenne relèvera entièrement d’un pur effort de la volonté, ou ne sera pas. Il ne faut pas, de plus, croire que l’on peut partir d’un acquis quelconque, puisque rien de ce qui a été fait jusqu’ici n’est une réussite (point 2).

On a donc bien ici, expliqué crûment, le fond du projet européen : il s’agit d’une construction entièrement volontariste, qui, depuis presque cinquante ans, ne s’est pas imposée, et continuera à susciter des résistances énormes. A se demander si ce rêve de technocrate ne mérite pas d’être gentiment et progressivement oublié…

PS : la comparaison Chine/Inde où l'on se sent désorienté alors qu'à Tallin ou Vilnius on est chez soi est risible. D'abord essayez de changer Chine ou Inde pour Nigeria ou Israël et vous êtes déjà à la limite du racisme ; ensuite à ce compte là je me sens plus, en tant qu'urbain indécrottable, chez moi - donc en Europe - à Tokyo ou à Boston, qu'à Vilnius... Rien dans cet article, comme dans le projet européen d'ailleurs, ne tient debout et ne résiste à quelques minutes d'analyse détendue.

4 Comments:

At 23:02, Anonymous Anonyme said...

c'est moi l'auteur de ce billet. je ne peux pas t'envoyer l'article de libé, devenu payant et que je n'ai qu'en papier. libé le vend 2 euros ici :
http://www.liberation.fr/page.php?Article=315346

mais si tu pars avec l'idée que "évidemment" tu n'es pas d'accord, ça ne peut pas vraiment inviter à débattre...

 
At 10:20, Blogger Christobal said...

MErci pour le lien .

le "evidemment" est un private joke a l'invite de mes compères de Philovino qui connaissent bien mes positions sur le sujet mais qui ne nous empechent pas de débattre depuis presqu'un an bientôt ( n'est ce pas Fabrice )...

 
At 19:40, Anonymous Anonyme said...

je m'en étais douté. je pensais même que tu devais être au moins commissaire européen !

 
At 23:24, Anonymous Anonyme said...

Je vous invite vivement à lire le bouquin de Pierre Manent qui s'appelle La Raison des Nations. Le gars remet en perspective l'idée de nation, l'idée de l'Europe et la pensée politique de la religion. C'est super.
J.

 

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